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La folie des cadrans vert

On se doit de les citer, Patek Philippe, Panerai, Rolex, Audemars Piguet… Les plus grands se sont passé le mot, les cadrans prennent des couleurs, de la couleur, du vert, couleur de l’espoir, de la santé, peut-être même de la vertu.

 

Vous avez dit greenwaching ? N’importe quoi… Rendre hommage aux forêts primaires et au ramage des chênes, c’est esthétique, c’est surprenant un tout petit instant, c’est une mode. Bien malappris celui qui voit dans ce camouflage une manœuvre hypocrite. Les grandes marques indépendantes et les groupes qui possèdent les autres le savent, le coup de pinceau vert est en ce moment salvateur.

 

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Que les montres se mettent à la page n’est pas surprenant ni consternant, ni quoi que ce soit, c’est tout simplement un fait, brut comme la nature. Et puis, c’est aussi le signe qu’il ne faut pas tout mélanger. Le château de Versailles ne brille pas par ses qualités « planet-friendly », la course aux étoiles non plus, que dire des records de vitesse, de l’exploration des fonds marins, de la conquête des sommets… Tout a un impact, des conséquences, toute activité humaine cause des déchets qui sont le fruit d’erreurs, de tâtonnements, d’hésitation, divers mouvements parasites qu’il faut faire rimer avec tentative plutôt qu’avec inconscience.

 

Se mettre au vert, ce n’est pas de l’hypocrisie, c’est intégrer les codes de son temps, et il existe deux versants du luxe, deux façons de se l’approprier. Consommer les montres, changer de modèle tous les ans, en porter une à chaque poignet, c’est possible, mais collectionner, amasser patiemment, comparer, apprendre, rêver, c’est un luxe, et le luxe n’est rien d’autre qu’une série d’objets inanimés qui font mouvoir nos rêves.

 

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Oui, s’acheter une montre, ce n’est pas raisonnable, c’est une consommation d’énergie sans pareil, une promotion aux quatre coins du monde polluant de façon non négligeable. Mais il est peut-être temps de se demander si celui qui investit dans des objets résultant d’un travail colossal, d’investissements absurdes, tenant presque de la quête, n’est finalement pas le plus censé. Mesurer le temps, c’est aussi futile que voler, peindre, sculpter, faut-il reprocher aux peintres leurs pinceaux, aux sculpteurs les carrières, aux fous volants leurs rêves ?

 

Passer au vert, c’est un clin d’œil, une boutade, un effet. Des horlogers produisent des montres à partir de déchets, ceux-là peut-être sont légitimes à grincer des dents devant l’énergie consommée par leurs concurrents, mais, tout miser sur la beauté, la grâce, l’habileté, le style, c’est préserver des coutumes, un goût pour l’excellence, l’agréable, le futile, c’est dépasser sa condition, un instant.

 

Peignons les cadrans en vert, collectionnons les montres au lieu de les consommer, faisons-les passer d’une génération à la suivante, cultivons le goût pour leur entretien, réparons, améliorons, conservons, ce sont ces habitudes qui égayeront la face du monde, non la condamnation aveugle d’un mode de vie qui préfère les objets raffinés à la collection de futurs déchets.